"J'étais un enfant solitaire, souvent malade, je sortais donc peu et quand je fus un peu plus grand et que comme tout gamin de cet âge à cette époque j'annonçais que j'allais jouer dehors, je dus toujours informer ma mère qui s'attendait toujours au pire, du lieu de ma destination et de l'heure de mon retour ; et il était hors de question de partir longtemps. On ne sait jamais, quand on voit tout c'qui s' passe !

Le plus souvent, j'arpentais les ruelles menant aux jardins familiaux, aux vergers, aux champs ou bien encore les rues, préférant celles que je connaissais le moins, observant les activités, les constructions, les gens… j'étais de nouveau spectateur... d'autres scènes plus sereines de la vie. Certaines d'entre elles, nimbées de soleil, résonnent encore en moi ; ces invitations lancées bruyamment depuis la rue à la cantonade : les uns déclamant "couteaux, ciseaux… Rémouleur", les autres "chiffons, peaux de lapin". Il y avait aussi le garde champêtre, armé de son tambour dont quelques roulements annonçaient le message municipal précédé d'un "oyez, oyez". Est-ce cette façon spontanée et naturelle, cette capacité à apostropher les gens qui m'a plu et qui me plaît encore, est-ce l'expression d'un monde révolu ? Toujours est-il que ces petits épisodes propres à cette époque constituent de charmants souvenirs."