Remerciements et extraits

Remerciements :

Extraits

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"Maintenant, nous étions seuls lui et moi, nous pouvions parler. Je me doutais bien que ce mal-être que j'observais depuis mon arrivée n'était probablement pas sans rapport avec son voyage à Paris. Je me garais à proximité d'une station de lavage et revins à la charge sur les conclusions des examens qu'il venait de subir.

- Alors dis-moi, qu'est ce qu'y t'ont dit à Paris ?

- Les taux de sérotonine et 5HIA sont pas bons… les tumeurs au foie ont légèrement grossi…

- Merde. Et qu'est-ce qu'y préconisent ?

- Ben, la chimio c'est plus possible, on va voir comment ça évolue, faut surveiller…

- Ça fait combien de temps qu'tu traines cette saloperie ?

- Ben, quand j'ai rencontré le Professeur R. la première fois, y m'a dit "vous savez, le cancer, ça se soigne bien maintenant, vous pouvez encore vivre dix ans". Ca fait dix ans.

- ...

- J'peux pas en parler à maman, elle est déjà assez mal comme ça…

- Oui, bien sûr.

Je ne savais plus que dire. Dix ans que papa vivait avec cette foutue épée de Damoclès au-dessus de la tête et je venais subitement de réaliser, de prendre conscience que depuis dix ans, il partait deux fois par an chercher son sursis de vie pour six mois. Sans pouvoir en parler à qui que ce soit, sans jamais manifester la moindre faiblesse, nonobstant une certaine émotivité latente toujours rapidement refrénée. Restant fort, toujours fort pour les autres, pour ceux qui comptaient pour lui et qui comptaient sur lui. R. et moi étions loin, et je crois que papa était plus attentif à nous que nous ne l'étions à lui. Quant à maman et M., aborder le sujet avec l'une d'elle était tout simplement impensable, elles ne l'auraient pas supporté. Comme R. l'écrira plus tard dans la lettre si belle et si émouvante qu'il adressera au Professeur R., papa était une immense solitude."