Remerciements et extraits

Remerciements :

Extraits

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"A l'approche des vacances d'été prévues aux Rousses dans le Jura, papa me dit : "tu crois que si on invitait N., ses parents seraient d'accord ? Sitôt dit, sitôt fait. Enfin pour être précis, ce fut aussi le prétexte à la première rencontre des deux familles. Il aurait été indécent de la part de mes parents d'inviter N. sans préalablement rencontrer les siens et, de leur part, d'accepter qu'elle nous accompagne sans savoir avec qui elle partait. Que nous soyons majeurs l'un comme l'autre ne rentrait pas en ligne de compte.

Chez les gens de bonne société, la bienséance, les us et coutumes, le savoir-vivre impliquaient que les choses s'ordonnassent suivant un rituel ancestral et consacré. Il y a une façon de faire les choses et il y a des choses qui ne se font pas. Ce n'était pas tant une question d'étiquette que d'éducation.

Bien sûr, Mai 1968 était passé par là, voila déjà six ans. Mais qu'est-ce que six ans en regard de siècles de règles édictées et reconduites de génération en génération.

1968 a semé les graines d'idées nouvelles qui mettront des décennies à germer, ou ne verront jamais le jour.

Comme la braise sous la cendre soudainement ravivée par une bourrasque de vent, les révolutions couvent longtemps avant que d'exploser et de tout emporter dans le sang, le fracas et la terreur. Mais une fois l'exaltation et le vent de folie retombés, les choses ne reprennent-t-elles pas leur cours initial ? Les révolutions ne sont jamais que des abcès qui crèvent mettant en exergue une partie du corps de la société en perpétuelle mutation biologique. Car l'homme a besoin de repères pour se sécuriser et maintenir son pouvoir. Lorsque ces repères s'effacent, il en cherche vite d'autres à l'image de ceux qu'il a connus.

Non, vraiment les choses évoluent lentement. Les relations entre garçons et filles en 1974 sont inimaginables pour les jeunes d'aujourd'hui.

Ce n'est qu'en 1976 que, publiquement, les questions sur l'éducation des enfants surgissent. Françoise Dolto y répond dans sa première émission médiatique sur France Inter : "Lorsque l'enfant paraît".

La loi sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG) défendue par Simone WEIL date du 17 janvier 1975.

La diffusion grand public de la "pilule contraceptive" n'en est qu'à ses débuts. Antérieurement, la contraception existait d'autant moins qu'il s'agissait d'un sujet tabou, y compris pour les couples eux-mêmes.

Le risque qu'encourait chaque fille était la honte de se retrouver enceinte sans être mariée. Cette situation la livrait à la vindicte populaire et la précipitait dans l'opprobre ainsi que sa famille. Car à cette époque lorsqu'on disait d'une femme qu'elle était fille-mère, tout était dit. C'était une fille sans vertu, pourrie de "vices", une "trainée", une "moins que rien". Le poids de la religion était écrasant et toutes ces grenouilles de bénitiers dénigraient à qui mieux mieux et vouaient aux gémonies ces filles de mauvaise vie tout en plaignant leurs parents (charité chrétienne oblige), lesquels malgré tout, auraient quand même été bien inspirés de mieux "tenir" leur fille.

- Rendez-vous compte, elle n'a qu'le vice dans la peau…

- À la voir comme ça, on lui aurait donné l'bon dieu sans confession, quand j'pense…

- Ah ben ça, c'est d'famille, tout l'monde sait bien qu'sa mère, bien qu'esse soit mariée en blanc, elle avait un polichinelle dans l'tiroir !

- Quand même si c'est pas malheureux, des gens si bien, qui vont à la messe tous les dimanches, qui c'est qu'aurait pu imaginer ?

Voilà le type de discours que tous ces bons pratiquants tenaient, ignorant tout de ce "bon monsieur le Curé". Loin d'eux l'inconcevable idée de la pédophilie dont se rendaient coupable nombre de ses congénères et dont la chronique se fera l'écho quelques quarante ans plus tard.

Car, nonobstant le festival de Woodstock en 1969 et ces images, oh combien scandaleuses, de jeunes nus s'éclatant dans la boue, le monde majoritairement rural de cette époque restait un monde à la fois sentencieux et de non-dit. Un monde qui prenait appui sur les autorités incontestées qu'étaient le Curé, l'Enseignant et le Secrétaire de Mairie qui n'étaient souvent qu'une seule et même personne."